L’entreprise responsable, vue par Adeline Attia
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L’entreprise responsable, vue par Adeline Attia

L’entreprise responsable, vue par Adeline Attia

Adeline Attia est sémiologue et prospectiviste, fondatrice de UBTrends et Bonnie&Smile

Responsible Growth : Prises en ciseaux entre une multitude de contraintes économiques, technologiques, réglementaires, et leurs aspirations pour une gouvernance responsable, les entreprises se cherchent …

Adeline Attia : … et se retrouvent parfois autour de causes qui ne rassemblent pas encore les médias ou les foules. Je veux parler d’engagements autour de la santé au travail, l’accompagnement des maux et maladies chroniques ou invisibles, qui restent encore trop largement taboues en entreprise.

Or selon que l’on se situe dans une grande entreprise du CAC 40, une PME en région, une entreprise familiale, une TPE, une start up ou une micro entreprise en difficulté, les sujets de discrimination, d’accompagnement ou de réinsertion ne sont pas vécus de la même façon (alors qu’un burn out reste un burn out, un cancer reste un cancer…). Pour autant, une gouvernance responsable est possible partout, quelle que soit la taille de l’entreprise. J’ai eu l’opportunité de tester de solides engagements d’innovation sociale à la fois dans des Maisons de Luxe et avec des PME dans le service et j’ai pu constater que la réussite des projets était due à chaque fois aux personnes qui les portaient en interne, jusqu’au bout. La gouvernance responsable repose sur l’engagement responsable d’hommes et de femmes qui à leur tour incarnent la marque employeur sur ces thèmes.

Faire de la vulnérabilité des collaborateurs une force pour les organisations est donc possible, très souhaitable, or le « S » de la RSE reste un chantier d’exploration sous-estimé par une grande majorité d’entreprises françaises, le plus souvent par peur de se lancer.

Mais de quelles vulnérabilités parle-t-on ? Cette année chez UBTrends, nous avons choisi de réaliser une étude prospective internationale pour identifier les principales situations de vulnérabilités présentes dans l’exercice du travail mais aussi les solutions les plus innovantes déjà mises en place ou en projet à l’échelle mondiale. A travers une veille dynamique et plusieurs entretiens d’experts, nous poserons donc des champs d’actions prioritaires en répondant à des hypothèses, formulées comme des questions, par exemple : et si la vulnérabilité contribuait à créer de nouveaux collectifs responsables au sein de l’entreprise ?

En matière de santé au travail et de transformation en général, changer de perspective et de contexte peut enrichir considérablement le périmètre du management, en dépassant les cadres de référence et les attendus actuels, bien souvent uniquement règlementaires. Ceci est mon crédo depuis que j’exerce mon métier dans les études.

Responsible Growth : Il y a encore quelques années, le digital semblait fixer le cap … mais aujourd’hui : comment résoudre le problème délicat de la prospective ?

Adeline Attia : Je suis assez optimiste à cet égard. Plus le monde sera complexe, plus la data nous inondera, plus les analyses de contexte à angles multiples manqueront : la fameuse « mise en perspective » historique, sociologique, sémiologique, anthropologique et critique échappe encore à l’IA. Pour moi, l’anticipation de signaux faibles est un métier qui devra intégrer encore davantage de disciplines, comme la fiction (imaginaires littéraires et cinématographiques entre autres) et l’IA, qui sera une précieuse alliée dans l’élaboration de scenarii.

Mais comme le dit également Séverine Enjolras dans cette tribune, le rôle des contre-cultures est essentiel dans l’anticipation des foyers d’influence. C’est pour cela que selon moi, il est aussi intéressant d’aller piocher dans les séries d’anticipation du monde entier car elles sont des gisements de futurs proches, bien plus inspirants pour nous que les futurs lointains de la science-fiction ! Anticipation, uchronies, dystopies : la matière de la prospective du présent, à confronter à nos réalités d’aujourd’hui…

Les épisodes de Black Mirror (2011) Real Humans (2012) ou de la Servante Ecarlate (2017) pour ne citer que ceux-ci, sont déjà partiellement réalisés, pour le meilleur et surtout pour le pire !

Responsible Growth : Dans ce contexte, quelle place pour une entreprise réellement responsable ?

La place des entreprises réellement responsables va encore s’amplifier dans les prochaines années car le social washing est encore plus dangereux que le green washing. Le tri entre les « vrais » et les « faux » responsables se fera naturellement, en fonction des attentes croissantes des différentes parties prenantes. En effet, plus l’attente des collaborateurs, des consommateurs et des investisseurs sera grande (et plus leur engagement, leur niveau de confiance envers la marque seront sollicités), plus grande sera leur déception en cas de promesse non tenue, avec la sanction des réseaux sociaux et du boycott.

En matière de bien-être au travail, il s’agit donc d’être juste et crédible dans la durée. En interrogeant régulièrement ses différents publics et en leur donnant des feed-back réguliers (encore trop rares), l’entreprise peut montrer sa sincérité en affichant également ses doutes et tâtonnements. Quoi de plus vertueux que de tester plusieurs approches avant d’affirmer un engagement ?

A court terme, il est donc probable que les entreprises réellement responsables seront mieux positionnées pour prospérer dans un environnement commercial en évolution, où la prise en compte des enjeux ESG est devenue essentielle pour la pérennité des entreprises.