L’entreprise responsable, vue par Damien Douani
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L’entreprise responsable, vue par Damien Douani

L’entreprise responsable, vue par Damien Douani

Damien Douani est explorateur chez LAB36, responsable du Creative Lab de Narratiiv, Podcasteur des « Eclaireurs du Numérique ».

Avec l’arrivée du digital, le temps s’est considérablement accéléré, laissant sur place des mastodontes de la vielle économie, comme Kodak, et même des pionniers du high tech, comme BlackBerry.

La technologie traçait la voie, et bien souvent, le premier arrivé raflait la mise : on pourrait citer Amazon, AirBnB, etc. Même si la réussite n’était pas toujours au rendez-vous, comme le souligne la déroute du quick commerce.

Depuis les crises à répétition – sanitaire, économique, écologique, etc. – bousculent les positions établies … et les certitudes : bien des entreprises, nez dans le guidon, ont perdu leur boussole … et leurs objectifs de respect, de la planète et de ses citoyens !

Responsible Growth : Prises en ciseaux entre une multitude de contraintes économiques, technologiques, réglementaires, et leurs aspirations pour une gouvernance responsable, les entreprises se cherchent …

Damien Douani : … et ne se trouvent plus. Tels des canards sans tête qui savent d’où ils viennent et ne savent pas où ils vont, elles sont en panique devant l’IA Générative, engluées dans l’irrépressible peur de rater « the next big thing » alors que certaines n’ont pas encore fini leur transformation numérique. Et font l’impasse – au passage – sur l’impact environnemental réel des LLM. Pas encore totalement remises du RGPD, elles doivent désormais gérer l’effet deuxième lame de rasoir avec l’IA Act, tout en faisant attention de ne pas tomber dans le piège d’une cyberattaque.

Les actionnaires les pressurisent parce que les marges s’effondrent, et les creusets de productivité se font sur le dos de salariés qui en ont assez d’être la variable d’ajustement. Conséquence : la « Gen Z » (faisons simple en utilisant ce vocable qui n’a aucune véracité sociologique mais qui fixe les idées) décide logiquement de faire « payer » les boites en faisant du ghosting leur mode privilégié d’action et de revendication.

Au milieu de tout cela, de multiples start-ups tentent de se frayer et chemin pour essayer de réinventer un système dont elles sont pour parties issues.

Être une entreprise en 2024 est une folie. Surtout si on décide de garder les réflexes et référentiels d’un monde historiquement stable et bipolaire. L’incertitude et le « non normal » étant désormais la règle, il faut relire le Prince de Machiavel pour se rappeler que la stabilité est une situation confortable qui empêche d’innover. Le chaos peut-être une source de remises en question bienvenue. L’entreprise « de demain » dans ce monde d’aujourd’hui est, et sera nécessairement, punk.

Responsible Growth : Il y a encore quelques années, le digital semblait fixer le cap … mais aujourd’hui : comment résoudre le problème délicat de la prospective ?

Damien Douani : La prospective est le chemin que nous désirons suivre, l’innovation les étapes qui le jalonnent. Dans une époque de transitions où le numérique – toujours moteur de transformation – n’est plus le seul phare qui guide le voyage, la prospective ressemble moins à une carte routière stricte qu’à une exploration créative et collaborative de ce que pourrait être l’avenir. Il faut accepter l’imprévu comme moteur de perspectives, le temps comme un allié et non un ennemi à abattre à coup de pression sur les résultats du trimestre. Lâcher prise.

Cela nous invite à combiner la technologie avec notre intuition, nos Humanités, pour envisager des futurs multiples et désirables, ou des avenirs plus frugaux qui ne doivent pas être subis. Cette approche plus ouverte et inclusive de la planification de l’avenir doit encourager chaque individu, chaque organisation, à participer activement à la création d’un monde où la technologie sert la société et non l’inverse.

Conséquence : l’entreprise doit être politique, au sens latin relatif au « gouvernement des Hommes ». Or, les seuls qui ont compris cela à ce jour sont les GAFAM. Les Sam Altman et autres Elon Musk ont une feuille de route claire, ambitieuse, folle. Et qu’ils vont réaliser, pour étancher leur Hubris et imposer leur vision long-termiste. Voulons-nous être leurs vassaux ?

La prospective est plus que jamais l’ambition de vouloir se donner un avenir.

Responsible Growth : Dans ce contexte, quelle place pour une entreprise réellement responsable ?

Damien Douani : Dans ce théâtre mondial foutraque et déréglé, seules les entreprises véritablement responsables peuvent jouer les premiers rôles. Elles incarnent l’espoir et l’engagement, montrant par l’exemple que le succès ne se mesure pas seulement en chiffres, mais aussi en impact positif sur la société et l’environnement.

Leur responsabilité va au-delà de la conformité légale ou de la philanthropie ; elle doit être tissée dans leur ADN, influençant chaque décision, chaque action. Ces entreprises, guidées par une boussole éthique, éclairent le chemin pour d’autres, prouvant que la prospérité économique peut aller de pair avec la préservation de notre planète et le bien-être de ses habitants. Le cas Danone a montré que cette ambition était, à date, utopique. Mais l’urgence actuelle peut changer la donne.

Cela veut dire faire des choix drastiques et cohérents avec le projet politique de l’entreprise. Je ne parle pas du bidonnage que sont les « raisons d’être », mais du fait d’assumer une direction et des choix, redonner confiance par la clarté du chemin pris.

Commencer à pleinement assumer un discours et des actes, tout en acceptant l’erreur ou le faux pas, c’est peut-être cela la première des responsabilités.