Les territoires responsables, vus par Vincent Gollain
Le marketing s’est répandu dans les territoires depuis une quinzaine d’années, l’Adetem participant à ce mouvement grâce au Club Marketing Territorial en partenariat avec L’Institut Paris Region et le CNER. J’ai demandé à Vincent Gollain, co-président du Club et rédacteur en chef du site www.marketing-territorial.org de nous apporter son témoignage.
Vincent Gollain : En préambule, je dirai que le marketing territorial n’est pas un copier-coller du marketing d’entreprise. Il a fallu adapter ses techniques et les mettre en synergie avec des approches issues de l’économie régionale et urbaine, de la géographie, de la sociologie urbaine, etc. Autre point important, les territoires sont animés par la recherche de l’intérêt général, le marketing territorial se situe donc souvent dans des dynamiques collectives pour rassembler les acteurs de l’attractivité territoriale (collectivités territoriales, Etat, entreprises emblématiques, Chambres consulaires, universités, etc.) et agir ensemble.
Responsible Growth : Pris en ciseaux entre une multitude de contraintes économiques, technologiques, réglementaires, et leurs aspirations pour une gouvernance responsable, que font les territoires pour appréhender la situation ? …
Vincent Gollain : Il y a plus d’une dizaine d’années, l’accélération des transformations numériques ont poussé les territoires à s’intéresser au concept de « Smart City » souvent promu par des acteurs privés et des lieux innovants à travers le monde comme Singapour. Ceci s’est traduit par une introduction parfois massive des technologies numériques pour mieux gérer le fonctionnement de la ville. Certains territoires en ont même fait un positionnement marketing. Néanmoins, ce modèle n’a pas réussi à s’imposer souvent du fait de la résistance des habitants et de leurs peurs d’une ville contrôlant de faits et gestes de tous. L’échec du projet de Google à Toronto est révélateur de cette évolution des populations occidentales.
Responsible Growth : Il y a encore quelques années, le digital semblait fixer le cap … mais aujourd’hui : comment résoudre le problème délicat de la prospective ?
Vincent Gollain : Si les habitants adoptent de plus en plus des outils du digital facilitant la vie quotidienne, les enjeux des villes et territoires sont surtout ailleurs : adaptation des espaces urbains aux enjeux du dérèglement climatique, lutte contre les disparités sociales et territoriales, besoin de convivialité dans les espaces publics, etc. Les territoires n’ont jamais abandonné l’approche prospective car accompagner les transformations des territoires se passent surtout dans le long terme. La viscosité des territoires nécessite la prise en compte du temps long et l’utilisation d’outils de planification (stratégie) territoriale à moyen-long terme par les collectivités territoriales. On peut même dire que les schémas de long terme sont nombreux dans les collectivités territoriales, de l’échelle communale aux grandes régions.
Responsible Growth : Dans ce contexte, quelle place pour un territoire réellement responsable ?
Vincent Gollain : On peut dire qu’un territoire responsable vise à améliorer durablement les conditions de vie de l’ensemble de ses habitants tout en évitant de dégrader l’environnement et les conditions sociales. C’est donc un équilibre délicat qui passe par une mise en synergie de politiques publiques et l’implication des parties -prenantes locales (habitants, entreprises, associations, etc.) dans des gouvernances collectives.
Tout ceci peut paraître parfois abstrait mais les bonnes pratiques montrent que ceux qui réussissent en ce sens ont mis en place un projet collectif de long terme et des outils et actions permettant d’atteindre les objectifs fixés. Et le marketing dans tout cela ? Il va être utilisé dans le cadre d’un projet territorial pour mieux comprendre les situations, attentes et craintes des parties prenantes, atteindre certains objectifs en matière d’attractivité et même agir sur les comportements de publics précis. Le marketing est donc à la fois mobilisé aux échelles stratégique et opérationnelle, mais aussi du diagnostic à l’évaluation des actions menées.