L’entreprise responsable, vue par Michel Gesquière
Michel Gesquière est Président d’Ethika Conseil
Responsible Growth : Prises en ciseaux entre une multitude de contraintes économiques, technologiques, réglementaires, et leurs aspirations pour une gouvernance responsable, les entreprises se cherchent …
Michel Gesquière : Les entreprises se sont remarquablement adaptées à la globalisation. Mais aujourd’hui, elles sont confrontées à un défi encore plus important. Celui de se réinventer à l’ère de l’intelligence artificielle (IA), dans un monde toujours plus instable. En intégrant de nouvelles dépendances stratégiques. En contrôlant les angles morts de la société de consommation et du capitalisme.
Au cours des 40 dernières années, les plus grandes d’entre elles se sont muées en leaders mondiaux. Elles ont été portées par la croissance des marchés émergents et de la Chine, et par la baisse des taux d’intérêt. Les plus performantes ont construit leur compétitivité sur un équilibre entre l’excellence à servir les clients, la satisfaction des salariés, la rémunération des actionnaires au juste coût du capital.
En France, l’essor de la grande distribution a accru le pouvoir d’achat des consommateurs.
Mais la nature a souffert : émissions de gaz à effet de serre ; rejet de quantités considérables de déchets.
L’économie s’est financiarisée en créant une illusion de richesse : ralentissement de l’investissement et des gains de productivité ; augmentation de l’endettement des entreprises et des États.
La société civile a subi. La France s’est désindustrialisée. Le commerce de centre-ville s’est paupérisé. La société française s’est polarisée. Les emplois qualifiés de la classe moyenne ont disparu. L’ascenseur social s’est arrêté. Les inégalités se sont développées malgré une expansion de l’État providence.
Une nouvelle ère s’ouvre.
L’entreprise ne peut pas tout. Sa force est de s’adapter au monde tel qu’il est. Sa stratégie intègre le cadre réglementaire fixé par les politiques nationales et internationales ; mais aussi la santé de la démocratie, de l’État de droit et de la société civile dans les marchés ou elle se déploie.
Mais l’entreprise peut beaucoup. Elle a le pouvoir de se réinventer. Pour gagner en compétitivité et en agilité, tout réduisant les effets négatifs – les externalités – du libre-échange mondial.
L’IA est une chance historique pour le faire.
Elle va produire une économie considérable de temps sur les tâches répétitives. Elle va générer de nouveaux gains de productivité. Mais surtout, elle est une opportunité pour réallouer les ressources libérées et réaligner les stratégies autour de nouvelles priorités.
Soigner la planète. En décarbonant le système de production, en offrant des produits et des services à faible empreinte carbone, en encourageant une consommation plus responsable, en limitant la production de déchets.
Travailler mieux. Créer plus. En réduisant la bureaucratie ; en augmentant la valeur intrinsèque et l’intérêt du travail ; en responsabilisant les salariés ; en favorisant l’innovation et la création.
Intégrer et réduire la polarisation de l’emploi. En jouant son rôle d’entreprise « étendue » ; en fortifiant son réseau de fournisseurs ; en reconstruisant des filières performantes de sous-traitance industrielle ; en créant des emplois qualifiés en région et dans les industries d’avenir.
Un défi passionnant et une raison objective pour garder l’espoir.