L’entreprise responsable, vue par Eric Gaubert
Eric Gaubert est Directeur adjoint, innovation et partenariat chez Reinsurance Group of America.
Responsible Growth : Prises en ciseaux entre une multitude de contraintes économiques, technologiques, réglementaires, et leurs aspirations pour une gouvernance responsable, les entreprises se cherchent …
Eric Gaubert : … et tentent de définir une feuille de route dite responsable afin de surmonter toutes les contraintes à l’échelle micro et macroéconomique. Le concept VUCA résume bien la situation actuelle. Introduit en 1987 par le U.S. Army War College, ce concept avait pour objectif de décrire un monde multilatéral issu du de la fin de la Guerre Froide. Dans les années 2000, le terme a utilisé plus largement dans le management des entreprises et le monde de l’éducation. Le principe VUCA est un acronyme utilisé pour décrire le monde actuel, caractérisé par sa Volatilité (Volatility), son Incertitude (Uncertainty), sa Complexité (Complexity) et son Ambiguïté (Ambiguity). Appliqué à l’échelle d’une entreprise, le principe VUCA implique la reconnaissance et la gestion de ces quatre éléments pour s’adapter efficacement à un environnement en constante évolution.
- Volatilité : Les marchés peuvent être soumis à des fluctuations soudaines (et parfois brutales) et la démocratisation de technologiques (pensons à l’intelligence artificielle générative par exemple). Les entreprises doivent alors ajuster leurs stratégies, leurs organisations et leurs opérations pour s’adapter à ces changements.
- Incertitude : L’incertitude se réfère au manque de clarté ou de prévisibilité dans l’environnement commercial chahuté par des changements réglementaires, des fluctuations économiques mondiales, des évolutions technologiques rapides ou des changements de comportements de consommation de la part de leurs clients. Les entreprises doivent alors développer une capacité à anticiper et à gérer les risques dans un environnement incertain.
- Complexité : La complexité est liée à la multitude de facteurs interconnectés qui influent sur les activités commerciales. Comprendre et naviguer dans cette complexité nécessite une pensée systémique et une approche holistique de la gestion.
- Ambiguïté : Dans un environnement ambigu, les entreprises peuvent être confrontées à des défis tels que des interprétations divergentes des tendances du marché, des signaux contradictoires provenant des parties prenantes ou des prévisions incertaines. Pour prospérer dans un tel environnement, les entreprises doivent être capables de tolérer l’ambiguïté et de prendre des décisions éclairées malgré le manque de certitude absolue.
Pour une entreprise, il est intéressant d’intégrer le concept VUCA qui implique des ajustements dans sa stratégie, son organisation, ses processus de prise de décision et sa culture d’entreprise.
Responsible Growth : Il y a encore quelques années, le digital semblait fixer le cap … mais aujourd’hui : comment résoudre le problème délicat de la prospective ?
Eric Gaubert : Avant toute chose, partons de la définition ou plutôt des définitions de la prospective inscrites dans les dictionnaires. Selon le dictionnaire Larousse, la prospective signifie « Qui est orienté vers l’avenir, qui anticipe sur l’avenir » et selon le Robert, elle veut dire « Ensemble de recherches concernant l’évolution future des sociétés et permettant de dégager des éléments de prévision ». On pourrait bien entendu multiplier les définitions mais le dénominateur commun concerne l’avenir ou le futur et surtout les prévisions. Désormais chaque entreprise s’appuie sur une architecture digitale afin de déployer sa stratégie commerciale. Cependant l’environnement réglementaire notamment européen, apporte de nouvelles règles dans le monde du digital à propos de la gestion des données et de l’intelligence artificielle. On citera les quelques réglementations européennes : GDPR, Data Act, DORA et AI Act. La liste n’est évidemment pas exhaustive. Pour faire de la prospective, les entreprises devront faire des prévisions en s’appuyant sur des données (de qualité avec une grande profondeur d’historique) et des modèles d’affaires de plus en plus complexes afin de s’adapter en permanence à l’environnement extérieur et ce quel que soit les marchés commerciaux concernés.
Responsible Growth : Dans ce contexte, quelle place pour une entreprise réellement responsable ?
Eric Gaubert : Une entreprise réellement responsable doit être responsable envers ses clients, ses collaborateurs, ses fournisseurs, ses partenaires et enfin la planète. Tout cela doit s’accompagner de la définition et le suivi d’un code de conduite basé sur l’éthique financier, humain, commercial, réglementaire. Le mode de développement commercial des entreprises s’est toujours basé sur une croissance. Désormais il est important d’embarquer de nouveaux indicateurs avec une volonté ancrée de se réinventer dans un objectif de croissance vertueuse et respectueuse. L’émergence des entreprises à missions ont ouvert la voie en France notamment. Les entreprises responsables peuvent débuter par de la création de valeur à long terme en injectant des valeurs durables pour créer ou adapter des produits et des services à impact positifs. Illustrons ce point avec un exemple dans les services financiers. Une banque peut commercialiser un prêt immobilier avec des engagements de rénovation énergétique de la part du client et la compagnie d’assurance peut adjoindre l’assurance emprunteur pour accompagner le client tout au long du prêt dans un objectif de long terme.
Adaptabilité et innovation :Les entreprises responsables sont souvent plus ouvertes à l’innovation et à l’adaptation aux changements, ce qui leur permet de mieux naviguer dans un environnement incertain. Leur engagement envers la responsabilité sociale peut stimuler la créativité et encourager l’exploration de nouvelles solutions aux défis complexes.
Avantages concurrentiels : être perçu comme une entreprise responsable peut constituer un avantage concurrentiel significatif, en attirant les clients soucieux de l’impact social et environnemental de leurs achats, en fidélisant les employés motivés par des valeurs éthiques et en attirant les investisseurs conscients des risques ESG (Environnementaux, Sociaux et de Gouvernance).